Acide, arc-en-ciel by De Luca Erri

Acide, arc-en-ciel by De Luca Erri

Auteur:De Luca Erri [De Luca Erri]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 1995-12-31T23:00:00+00:00


* * *

1. Titre original du livre : vinaigre, arc-en ciel. (Toutes les notes sont de la traductrice.)

Je suis sur un banc d’école, en train de faire un devoir. Tu viens regarder derrière mon dos et tu me montres du doigt une erreur. Alors je me retourne et je te vois, mais tu n’es plus un enfant, tu es un homme âgé, rentré d’Afrique, tel que tu étais à l’arrêt du car où nous nous sommes quittés la dernière fois. Entre ces deux points il y eut notre amitié, préservée dans les longs intervalles de tes visites. Tu respirais la gaieté, ta voix était troublante. Tu la contrôlais avec mesure et ton application à la modérer la rendait encore plus vibrante. C’était une voix de prédicateur, intense et sonore, de cette espèce rare qui refuse toute emphase, bien que bouillonnante de tensions et qui, plus elle se contient, plus elle enflamme celui qui l’écoute. Elle devenait métallique sous le coup d’un enthousiasme réprimé. Voix de qui pourrait entraîner avec soi églises et places, mais qui, chez toi, par sa nature particulière, appelait à partager de la joie. Au milieu de la foule bruyante à la sortie de l’école on remarquait ton timbre sonore même si tu ne criais pas. Ce n’est pas toujours la voix la plus forte qui s’entend le mieux.

Tu étais doué pour la métrique latine. Le professeur te faisait lire les distiques devant tout le monde et tu ne ratais pas un accent. Tu disais qu’il suffisait d’un peu d’équilibre et qu’ensuite il était facile de courir sur les vers. Ta voix chantait de la syllabe longue à la brève, rapide et sûre comme les pas d’un petit gamin courant sur les rochers.

L’été, quand nous étions enfants, en attendant notre mois à Ischia, fraîchement promus, nous allions faire nos premières baignades sur le littoral qui descendait vers la mer par couches de tuf jaune et râpeux, en pensant aux plages moelleuses de l’île voisine. Tu marchais sur le sol de pierre rugueuse et bouillante, tu sautais sur la roche comme si tu avais des souliers. Par contre, moi je te suivais d’un pas endolori, ressentant toutes les aspérités du sol. Mes os pointaient sous mes pieds, marcher sur le tuf était une torture qui m’arrachait des invocations de miséricorde dont tu souriais. Enfin arrivait le mois de l’île. On restait ensemble sur la plage, à dix heures on mangeait du pain à l’huile avec de la tomate écrasée. On se baignait après le passage du bateau. Ta mère, avec son maillot à fleurs, un chapeau de paille sur la tête, longeait les rochers avec son épuisette et rapportait dans son seau, nageant, bien vivants, des crevettes, des crabes, des petits poissons que nous apprenions à désigner par les noms que leur donnaient les pêcheurs.

L’après-midi, dans la pinède, les cris des jeux étaient couverts par le vacarme des cigales. À cinq heures nous prenions notre glace. Il y avait une heure pour chaque chose et nous les attendions, essayant de les anticiper par nos réclamations, impatients de toutes les joies de la journée.



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